Par Melmothia
Ah zut !… » Ai-je répondu ce matin à ma mère qui me confiait qu’untel avait raté son examen, d’une voix d’autant plus émue que je lui avais prédit le mois dernier la réussite. Si encore j’avais été seule sur le coup, j’aurais pu attribuer le revers à une erreur de ressenti, d’interprétation ou de temps qu’il fait, mais il se trouve que nous sommes plusieurs à avoir glissé sur la savonnette, trois précisément. Et surtout ce n’est pas ma première expérience du phénomène. Je comptabilise ces dernières années quatre extraordinaires plantages, tous collectifs et spectaculaires. Le genre de prédiction où les cartes chantent Happy Day en claquant des mains avec une assurance d’autant plus déconcertante qu’elles sont complètement à côté de la partition. Ça arrive, me direz-vous. Oui, et c’est bien le problème. Dès lors qu’on a constaté la réalité de la voyance, et donc évacué l’alternative ping-pong « j’y crois – j’y crois pas », les questions changent de tonalité et deviennent intéressantes. Elles deviennent également plus nombreuses et complexes. Et en voilà une justement : comment expliquer les erreurs de prédiction ?
Je ne suis certes pas la première à m’interroger sur le phénomène ; un certain nombre de pistes explicatives existent. Elles ne me satisfont pas pour le plantage collectif évoqué plus haut, mais je vais quand même en faire un tour d’horizon :
1/ Les dérapages s’expliquent d’abord par la nature même des perceptions médiumniques. Qu’il s’agisse de clairvoyance ou de clairaudience, les informations perçues par le voyant sont généralement parcellaires – ce que la psychiatre Élisabeth Laborde-Nottale appelle des « scopèmes » :
« L’information fragmentaire qui est le noyau de la voyance apparaît comme un groupe de données qui peuvent être des mots, des formes, des sensations. Je propose d’appeler scopème ce noyau de base de la voyance, cette unité d’information signifiante, c’est-à-dire l’entité signifiante qui aura été discernée en voyance, qu’elle prenne l’aspect d’un son complexe (phrase), d’une forme plus ou moins élaborée (image ou scène) ou d’une sensation physique » [1].
Autrement dit, le voyant s’applique à reconstituer un puzzle dont il manquera toujours des pièces. La combinaison erronée de deux images, la confusion de lieux ou de personnes seront donc des erreurs assez courantes ; d’autant que s’ajoute à cette difficulté, la nature parfois symbolique de ces scopèmes. Si, à la question « vais-je trouver un boulot ? », vous voyez une autruche qui sautille ou un parapluie, vous dites quoi au consultant ?
De là, une prédiction peut-être exacte à quatre-vingt-dix pour cent et fausse sur un aspect important. Pour se garder de ces dérapages, il faudrait livrer ses ressentis tels quels, sans chercher à trop les interpréter, mais c’est globalement impossible, ce que le consultant désire étant qu’on lui livre un aperçu de son avenir et non des extraits psychédéliques.
2/ Un mécanisme psychologique de projection peut induire le voyant à attribuer ses propres angoisses ou problèmes au consultant. Par exemple, une personne ayant des difficultés amoureuses aura tendance à exagérer dans ses voyances les problèmes de couple.
3/ La télépathie est également un phénomène susceptible de faire déraper les visions. Il peut arriver de « capter » les désirs ou les craintes du client plutôt que son avenir probable. Ainsi que le souligne Yaguel Didier :
« Il se peut que face à une crainte très forte, ou à un sentiment violent, je capte en fait la pensée de mon consultant et que j’entre non en voyance, mais en télépathie. La télépathie, ou transmission de pensée, est un des grands problèmes de notre métier, parce que c’est un phénomène reconnu, assez courant, aussi inexplicable que la voyance, mais qui n’a pas fonction de prédiction ».
4/ Ceux qui pratiquent la divination ont sûrement déjà fait ce constat : certains consultants sont des « autoroutes » pour la voyance, le taux de réussite avoisine les 100 %… Avec d’autres, c’est le taux d’échec qui crève le plafond. Le problème peut-être inhérent à la personne elle-même ou à la situation Il arrive qu’à certains moments de l’existence, les choses soient tellement confuses que la voyance devient impossible. Par ailleurs, les personnes agressivement sceptiques auront tendance à se fermer, tandis qu’il est par exemple nettement plus facile de faire des voyances… à des voyants. Et pas uniquement pour une question d’ouverture d’esprit, autre chose « passe ».
Enfin, il se trouve un certain nombre de cas inexplicables, relevant plus d’affinités personnelles conscientes ou inconscientes. Voilà ce que nous en dit Alain Bougearel :
« Je demande à mes consultants de rendre compte de leur “voyance” pour m’informer un an après de la fiabilité des prédictions. Je ne conserve en “clientèle” que les cas de réussite totale ou partielle. Pourquoi ? Parce que, même si j’ai été apte à capter des éléments cruciaux du passé et du présent du consultant, je ne sais encore si je j’ai pu ou non faire œuvre de “prédiction” avérée. Je peux fort bien avoir fait de la télépathie avec son passé ou son présent, mais ne capter qu’un potentiel inconscient de désirs ou de craintes pour l’avenir. Ce n’est que grâce à ces comptes-rendus que je sais si je suis apte à être ou non le “voyant” de ces personnes » [2].
5/ Aux partisans du fatum tout puissant, certains – dont je suis – opposent volontiers une hypothèse probabiliste. La divination permettrait de discerner un avenir probable, mais qui aura tendance à se moduler selon les choix du consultant. Une prédiction ne pourra donc jamais être sûre à 100 %.
Une fois terminé le listing des peaux de banane classiques, je reste néanmoins avec mon problème. Aucune des alternatives ci-dessus ne justifie pleinement qu’on puisse voir le contraire exact, avec certitude qui plus est, d’un événement à venir. Encore moins que plusieurs voyants se trompent identiquement, avec le même enthousiasme.
Évidemment, on peut toujours tirer sur l’élastique et invoquer l’espoir déraisonnable ou la crainte toute puissante du consultant pour influencer la prédiction, en appeler à la coïncidence, ou s’en remettre au non-destin… On peut théoriser à tour de bras en s’appliquant à faire rentrer les cubes dans des ronds, mais je reste persuadée qu’une donnée essentielle nous échappe, un paramètre inconnu, généralement silencieux, mais qui se rappelle parfois à nous en gazouillant une petite note dissonante – et frustrante.
Melmothia 2009
[1] La Voyance et l’Inconscient, Élisabeth Laborde-Nottale, Seuil, 1990.
[2] Extrait du site l’Officiel de la voyance.
Ce genre de chose n’arrive pas qu’en voyance, mais en magie en général, et tenter d’en faire une théorie est une erreur à coup sûr (sauf si on tombe par hasard sur une théorie presque correcte, mais même là il n’y a aucun moyen possible de savoir qu’elle est correcte).
D’un côté c’est très frustant, c’est horrible! D’un autre côté, c’est absolument fascinant… L’hystérie de ne jamais savoir, joie!
bonjour,
depuis que l’on me prédit de l’argent, j’attend encore… à croire qu’ils se plantent tous…
j’ai toujours rencontré des médiums et paradoxalement je crois au libre arbitre. un ami m’a donné cette explication : je peux dire l’avenir parce la plupart des gens n’utilisent pas leur libre arbitre. sympa, j’aime!
j’ai eu l’occasion de vérifier la véracité d’autres points dévelopés. c’est vrai. une véritable interrogation.
ce n’est pas aussi simple. je suis bien d’accord avec vous, il reste une part de mystère qui nous renvoie à notre nature. et c’est peut être bien ainsi. ne jamais oublier qui nous sommes et où nous nous trouvons.
bon courage à vous, continuez de questionner, j’ai aimé vous lire. amicalement BerNard