Par Melmothia
Ah la Suisse ! Quel beau pays… ! Ses montagnes, ses lacs, ses banques, ses spécialités gastronomiques à base de fromages, son chocolat, ses pâturages et son tatzelwurm.
Hein, son quoi ? Ben, son tatzelwurm.
Cette année pour changer de la sempiternelle quinzaine estivale au Touquet, vous avez décidé d’aller explorer la vallée de l’Aar en Suisse centrale. L’agent de voyage qui vous a vendu votre séjour à Brienz vous a garanti un ensoleillement maximal et juré que ces histoires d’obus, de grenades et de mines décorant le fond du lac étaient très exagérées.
Après une longue randonnée dans la vallée du Hasli, vous êtes sur le chemin du retour vers l’hôtel Helvetia avec la ferme intention de déguster un plat de rösti (prononcez « reuchti ») lorsque votre adorable bambin, Kevin, vous montre une branche cassée d’un blanc crayeux dépassant d’un fouillis de végétations bordant le chemin.
« C’est quoi ça, papa ? »
« Ça, mon chéri, c’est sûrement un bout de bois fossile. »
Joignant le geste à la parole, vous écartez les taillis, tendez la main… Votre hurlement retentit dans toute la vallée, tandis que Mauricette, votre douce épouse, s’évanouit.
Ce que vous ne pouviez évidemment pas anticiper, c’est que le bout de bois blanc allait ouvrir une gueule digne d’un congre et vous sauter dessus en sifflant.
Et ce que vous ignorez également en l’arrachant de votre bras, c’est qu’il est venimeux.
Rassurez-vous, vous n’êtes pas la première victime du tatzelwurm. À la fin du XVIIIe siècle, un Autrichien du nom de Hans Fuchs serait mort d’un infarctus à la vue de deux spécimens occupés à bronzer sur un rocher. Il faut dire que l’animal a un physique plutôt ingrat : un corps blanchâtre et mou d’un mètre de long environ, des moignons en guise de pattes antérieures, une tête vaguement féline, de longues dents, une langue bifide, un cou indistinct. Le tatzelwurm est lent, mais méfiez-vous quand même, il est agressif, venimeux et susceptible de faire des bonds de deux mètres. Son nom vient du vieil allemand et signifie « ver à pattes ». Comment est-ce que ça s’éternue ? Eh bien prononcez tâtssèlvourm. Cet étrange animal vivrait de préférence dans les montagnes. Il a été signalé dans les Alpes suisses, françaises, italiennes, bavaroises et autrichiennes, quelques fois en Pologne. Toutefois, on l’a surtout croisé en Suisse, spécialement dans les gorges de l’Aar, où on l’appelle également « Stollenwurm » :
« Au XIXe siècle, une femme d’Innertkirchen racontait, par exemple, que “lorsque son père allait ramasser des baguettes de coudrier sur le Kirchet, il aperçut un ver dodu avec de courtes pattes se diriger vers lui, avec sa grande gueule, ses dents pointues et ses yeux au regard effrayant”. Lorsque le monstre se mit à émettre des bruits sifflants, son père, pris de frayeur, s’empressa de rentrer à la maison » [1].
En 1934, un photographe du nom de Balkin prétendit en avoir photographié un près de Meiringen mais l’illustration est accompagnée de fortes présomptions de trucage. Si son existence n’a jamais été prouvée, d’où son classement en « cryptozoologie », des scientifiques pensent qu’il pourrait être un héloderme, autrement dit un lézard venimeux particulièrement moche, comme il en existe au Mexique et en Arizona où la gentille bestiole est judicieusement appelée « monstre de Gila ». Vous voulez en voir un ? Je vous aurai prévenu, c’est très laid :
Image extraite du site Terra nova.
Melmothia 2007.
[1] Citation extraite du site Aareschluch.